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Promotion du Franc CFA : Voici comment un Camerounais a contribué au rapport du sénat français

Des montants versés par Paris aux Banques centrales africaines aux limites des réformes annoncées à la fin de 2019, la Chambre haute française a publié une étude décomplexée sur la « réalité » du système CFA. L’analyse de Jeune Afrique.

Enregistré fin septembre à la présidence de la Chambre haute, le rapport d’information codirigé par les sénateurs Nathalie Goulet (Union centriste, Orne) et Victorin Lurel (Parti socialiste, Guadeloupe) vise à « dresser un véritable état des lieux et un bilan de la zone Franc ».

Sans partager le constat sans nuance de leur collègue Gérard Longuet (Les Républicains, Meuse), pour qui « le franc CFA souffre de sa dénomination, mais, pour le reste, il est parfait », la parlementaire centriste et son homologue socialiste dressent un bilan particulièrement positif quant aux vertus du système monétaire.

S’ils relèvent plusieurs points d’incertitude concernant la situation actuelle et le futur de la zone Franc, ils contestent les « caricatures » et s’étonnent du « décalage entre ce qui n’est finalement qu’une petite ligne du budget en France » et « ce sujet énorme et très symbolique en Afrique ». Cela suffira-t-il à convaincre les contempteurs du franc CFA ? Pas sûr.

Plus de 100 millions d’euros versés aux Banques centrales de la zone Franc
« Non, l’obligation de détenir une partie des réserves sur un compte d’opérations auprès du Trésor ne constitue pas une taxe sur les pays de la zone Franc et ne sert pas à financer la dette française au détriment du développement des économies locales ». Tel est le premier des dix « constats » au cœur du rapport Goulet-Lurel [PDF], censé répondre à l’une des critiques récurrentes faites aux accords monétaires entre Paris et les pays africains de la zone CFA.

Les deux sénateurs rappellent que ces sommes déposées au Trésor demeurent « librement accessibles » aux autorités monétaires de la BCEAO, de la BEAC et de la Banque centrale des Comores (BCC).

Le niveau d’obligation de dépôts des avoirs extérieurs est loin de faire consensus

Par ailleurs, ces derniers relèvent que ces placements sont rémunérés à des taux supérieurs aux cours en vigueur sur les marchés européens (0,75 % pour la BCEAO et la BEAC, 2,5 % pour la BCC contre « -0,40 % voire –0,50 % » pour des placements similaires).

Ainsi, Paris aurait versé « versé 54,8 millions d’euros aux Banques centrales africaines de la zone Franc en 2018 et 62,6 millions d’euros en 2019 », relève le rapport sénatorial.

Il faut cependant noter, comme le concèdent les auteurs du rapport, que le niveau d’obligation de dépôts des avoirs extérieurs est loin de faire consensus. Le taux de dépôt obligatoire de 50 % pour la BCEAO (auquel est censé mettre fin la réforme Ouattara-Macron de décembre 2019) et la BEAC (65 % pour les Comores) pourrait être ramené à 30 % ou 20 % selon des propositions d’économistes cités dans le rapport du Sénat.

Des nombreuses « vertus » du système…

Dans leur étude, les sénateurs français reviennent longuement sur les « vertus » du système CFA, d’ailleurs abondamment mises en avant par d’autres défenseurs de cette monnaie. Ces dernières iraient ainsi de la stabilité des prix (nécessaire pour empêcher les spirales inflationnistes) à la garantie de convertibilité (une protection selon eux contre la « spéculation monétaire »).

Les sénateurs contestent ardemment la notion de « tutelle » qu’exerceraient les autorités françaises sur les institutions monétaires africaines, rappelant que Paris n’était pas représenté au sein des instances politiques. Et estiment, enfin, qu’il n’existe aucun lien démontré entre le régime du franc CFA et le rythme de développement et de croissance des pays africains de la zone.

IL FAUT RECONNAÎTRE QUE LA FRANCE A PERDU LA BATAILLE DE L’IMAGE

Le rapport souligne les nombreux manquements accumulés par les autorités françaises au fil des années quant à l’importance que le débat autour du franc CFA prenait en Afrique. Parmi les suggestions ignorées : les recommandations émises par la BCEAO dans la foulée de la dévaluation de 1994, afin de moderniser des accords de coopération monétaires qui n’avaient pas été actualisés depuis les années 1970.

« Il faut reconnaître que la France a perdu la bataille de l’image et que l’affirmation de la dimension identitaire s’effectue à ses dépens », a affirmé Victorin Lurel, durant l’examen du rapport, le 30 septembre, par la Commission des Finances.

Et de ses zones d’ombre
Pour les auteurs du rapport, il est nécessaire dès lors pour les représentants français de ne pas « répéter cette erreur sur la réforme » annoncée fin 2020 et qui doit encore être approuvée par le Parlement français.

Pour autant, les sénateurs n’ont pas manqué de soulever plusieurs zones d’ombre.

Parmi elles : le sort du franc CFA en Afrique centrale. Ils recommandent ainsi d’engager « une réflexion sur les bénéfices économiques que pourrait apporter un découplage des taux de parité du franc CFA d’Afrique de l’Ouest et du franc CFA d’Afrique centrale avec l’euro ». En effet, selon leur analyse, ces deux monnaies « ne sont pas librement convertibles entre elles mais leur parité est identique, alors même que les caractéristiques économiques de ces deux zones monétaires sont différentes ».

Une analyse encore trop franco-française

Les travaux de plusieurs économistes et chercheurs africains ont été cités dans le rapport de la Commission des finances. Parmi eux : Ahmadou Aly Mbaye de l’Université Cheikh-Anta-Diop (UCAD) de Dakar et Désiré Avom de l’Université Avom de Dschang (Cameroun). Pour autant, des treize personnalités auditionnées (dont l’ex-directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn) par les sénateurs français, une seule a occupé des fonctions importantes sur le continent : l’économiste togolais Kako Nubukpo.

Au demeurant, hormis les Italiens Mario Giro (ancien vice-ministre des Affaires étrangères) et Massimo Amato (économiste à l’Université Bocconi de Milan), les autres personnes entendues pour ce rapport appartiennent aux sphères académiques et financières (Banque de France et direction générale du Trésor) françaises.

Si les restrictions imposées par le Covid-19 ont sans doute perturbé le travail des parlementaires français, une place plus large accordée aux voix africaines aurait peut-être permis d’éviter certaines appréciations imprécises concernant la réalité de la contestation du franc CFA.

« Dans l’appréciation des mouvements de contestation, les rapporteurs appellent en outre à la prudence : bien que les manifestations soient très médiatisées, il ne faut pas en surévaluer l’importance. Elles ne rassemblent souvent pas plus de quelques centaines de personnes, dans des secteurs très localisés (cercles d’activistes, grandes villes) », affirment les auteurs de l’étude parlementaire.

Si la contestation du système monétaire CFA n’avait concerné qu’une poignée d’activistes « très localisés », le Sénat aurait-il vraiment consacré un rapport à cette monnaie ?


SOURCE: https://www.w24news.com

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