Câest une actualité bien difficile qui secoue la Méditerranée orientale aujourdâhui, et le danger est régional, c’est ce que nous précise notre invité, Ahmet Insel, journaliste et universitaire turc.
Câest une actualité difficile et complexe qui secoue la Méditerranée orientale aujourdâhui. Notre invité Ahmet Insel, journaliste et universitaire turc précise que lâattitude belliciste du président turc ne cesse de menacer dâoccupation les îles grecques du Dodécanèse et de la mer Egée, tout en refusant toutes négociations avec la Grèce.
La décision dâoccupation et de transformation en mosquée de Sainte-Sophie et de lâéglise byzantine Saint-Sauveur in Chora est un message fort quâErdogan envoie à son peuple. Dâabord à ses supporters de la base nationaliste islamiste de son parti lâAKP, qui traverse une passe difficile avec un électorat qui sâérode et une crise économique de plus en plus tendue. Câest pourquoi Erdogan a été dans lâobligation de faire alliance avec lâextrême droite nationaliste turque afin de pouvoir garder une majorité parlementaire et tenter dâassurer sa réélection en 2023. Sauf que le président turc est aujourdâhui de plus en plus prisonnier de son alliance avec cette extrême droite qui ne participe pas à son gouvernement. à cela sâajoute la position de la droite nationaliste religieuse, profitant de cette position de faiblesse dâErdogan afin de parvenir à ses demandes, soit depuis les années 40, que les églises chrétiennes sur le territoire turc soient toutes transformées en mosquées.
Corollaire avec le rapprochement de lâextrême droite nationaliste, le président Erdogan ayant incarcéré ses opposants, intellectuels, universitaires, journalistes, et artistes, il a procédé à des purges dans lâarmée, la police et la justice dont beaucoup des « purgés » sont aussi en prison.
Erdogan a opéré un rapprochement avec des généraux extrémistes qui ont plutôt une vision eurasienne pour la Turquie, mais aussi collaborant au projet de « patrie bleue », câest-à -dire une main mise sur la mer Egée, sans tenir compte des îles grecques, une vision aussi partagée par les nationalistes laïques turcs. On voit clairement en Turquie que lâaffaiblissement du parti au pouvoir lâAKP, celui du président Erdogan, bénéficie à une prise en main de lâextrême droite nationaliste, dont un des souhaits serait le retour à la peine de mort en Turquie, ce qui rendrait bien difficile à ce que la Turquie reste membre du Conseil de lâEurope.
Les effectifs des forces armées turques sont dâenviron 1 421 750 hommes et femmes, réservistes compris, et le budget de la défense turque est de 19 milliards de dollars US. Les forces armées turques sont présentes en Syrie, avec 20 000 hommes, de 30 à 35 000 hommes à Chypre nord, territoire turc non reconnu par la communauté internationale. La Turquie possède des bases au Qatar, au Soudan, une présence au Niger, au Kosovo, en Irak, en Afghanistan, en Bosnie-Herzégovine, elle tente dâavoir une base aérienne et navale en Libye.
Il sâagit dâune armée aguerrie, possédant un armement conséquent, mais une question se pose, à savoir si cette armée pourrait tenir autant de fronts que sa présence laisse supposer. Parce quâaujourdâhui la Turquie doit faire face à un front commun, composé par la France, la Grèce, la République de Chypre, lâItalie, lâEgypte, les Ãmirats arabes unis et Israël. Câest la raison pour laquelle, face à cette situation, Erdogan tente dâutiliser les divisions de lâUnion européenne entre la France et lâAllemagne, sans oublier que la Turquie et la France nâont pas la même position concernant la Libye. Malgré le fait que lâUnion européenne, tôt ou tard, ne pourra faire autrement que de soutenir la Grèce, le retrait du « leardership » de Washington en Méditerranée orientale laisse une porte grande ouverte pour la Turquie et la Russie. Câest la raison pour laquelle Moscou prend ses distances avec Ankara qui est aussi son principal rival en Syrie,
La situation épidémique est catastrophique en Turquie, surtout dans la capitale Ankara et les villes de province à la frontière syrienne, sans compter les erreurs du président Erdogan qui avait réuni plus de 100 000 personnes à Istanbul, lors de la transformation de Sainte-Sophie en mosquée.
Le pays doit faire face à une livre turque qui est en baisse quotidienne, récession de 9 à 10%, dans ce pays qui mène une politique anti-occidentale, anti-investissements étrangers, une attitude totalement irrationnelle alors que la Turquie est aujourdâhui en recherche dâune sécurité énergétique. Lâannonce tambour battant dâun gisement de gaz en Mer Noire par le président Erdogan reste encore à prouver, le pays est dépendant du gaz de Russie, dâAlgérie ou dâAzerbaïdjan, et lâargument de sécurité énergétique se transforme en une attitude agressive vis-à -vis des voisins grecs et chypriotes dont les fonds marins possèdent de réels gisements. Dans la redistribution des cartes au Moyen Orient, on voit bien quâAnkara compte bien être invitée à la fête.
Jeudi 10 septembre sâest tenu à Ajaccio le 7e sommet des pays du sud de lâUnion européenne qui ont adopté une position commune face aux tensions en Méditerranée orientale, en appelant à un dialogue constructif avec Ankara, sans omettre la menace de sanctions si Ankara continuait dans sa position belliciste.
Les dirigeants de la France, lâItalie, lâEspagne, le Portugal, la Grèce, Malte et la République de Chypre – étonnant dâailleurs que la Croatie ne soit pas de la partie – nây sont pas allés par quatre chemins envers la situation générée par la Turquie. Pour le président Macron, il sâagit de « parvenir à un dialogue responsable. Même discours pour le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, qui prône autant « le dialogue que de suivre la voie de la désescalade », quand le président de la République de Chypre appelle lâUnion européenne à utiliser « tous les moyens dont elle dispose pour éviter un conflit catastrophique pour toute la région.
Les conditions européennes au rétablissement du dialogue avec la Turquie passent par « le respect de lâembargo sur les armes à destination de la Libye, la délimitation des zones économiques exclusives par la négociation et le respect du droit international, le renvoi de la question des frontières maritimes avec Chypre, devant la Cour internationale de justice ». Et le compteur tourne puisquâun prochain sommet européen se tiendra les 24 et 25 septembre prochains, concernant les termes dâun accord avec la Grèce pour la Turquie. On voit que le message de fermeté français a été entendu.
Enfin pour la Turquie, câest au tour du comité des ministres du Conseil de lâEurope, sous présidence grecque, qui a exhorté la Turquie à garantir la libération immédiate de lâhomme dâaffaires et défenseur des droits de lâhomme emprisonné, Mehmet Osman Kavala. Arrêté à Istanbul le 18 octobre 2017, soupçonné dâactions subversives contre le gouvernement et lâordre constitutionnel turc, Mehmet Osman Kavala est comme beaucoup dâopposants au régime dâAnkara, dont les défenseurs des droits de lâHomme, réduit au silence. Il est heureux que le Conseil de lâEurope, garant des Droits de lâHomme, porte une attention qui devrait être encore plus importante envers le régime autocratique dâErdogan, qui menace la stabilité de la Méditerranée orientale.
SOURCE: https://www.w24news.com