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World news – Que fait Lidl dans le programme des Journées du patrimoine

Pour la 7e année consécutive, l'enseigne de grande distribution discount allemande ouvre les portes de certains de ses magasins. L'information est étonnante, mais s'inscrit dans la stratégie marketing de la marque mise en oeuvre depuis plusieurs années en France.

CONSO – Des ateliers d’artistes, des monuments historiques, mais aussi des supermarchés. Oui, des supermarchés. Cela peut paraître incongru, mais à l’occasion des Journées européennes du patrimoine, qui se tiennent en France pendant deux jours ce samedi 19 et dimanche 20 septembre, la chaine de grande distribution discount Lidl ouvre les portes de dix de ses magasins “emblématiques”.

Parmi eux, celui de Troyes. D’une superficie de 2800 m², c’est le plus grand d’entre eux. Son design extérieur atypique lui a valu le prix spécial de l’architecture de l’année de l’association Sauvegarde et Avenir de Troyes. À Nantes, il est installé dans une ancienne chocolaterie. À Guebwiller, dans une usine textile.

Pour la septième année consécutive, “Lidl souhaite faire connaître les savoir-faire de ses producteurs locaux”, indique un communiqué. Son but? Valoriser “son ancrage territorial et son attachement aux traditions régionales françaises”, peut-on lire dans un autre document. 

De la part d’une entreprise allemande, arrivée en France en 1989, l’initiative a de quoi surprendre. Comme nous l’explique le journaliste et essayiste Jean-Laurent Cassely, le contexte de la grande distribution a beaucoup changé. “Pendant longtemps, elle a été considérée comme l’ennemi du petit producteur, souffle au HuffPost le spécialiste de nos modes de vie et de consommation. Aujourd’hui, ces enseignes veulent rééquilibrer le modèle et se placer en faveur de ce type de référencement.”

À l’instar d’Intermarché ou d’Aldi, Lidl revendique un maillage territorial fort grâce à ses 1550 supermarchés répartis sur l’ensemble du pays. D’après son site, la chaîne dit proposer 72% de produits français dans ses établissements et se vante également de déployer le label “Saveurs de nos régions”, une marque de distributeurs dédiée aux produits du terroir 100% français.

D’après Jean-Laurent Cassely, la communication de l’entreprise arrive “au cours d’une période où la grande distribution est tellement implantée dans le paysage français qu’une enseigne peut revendiquer sa fierté de participer à la transformation du territoire ou à son rééquilibrage”. 

C’est ce que fait Lidl qui, depuis quelques années, est sur toutes les bouches. Au début du mois de juillet dernier, une collection de vêtements, composée de chaussures, chaussettes, d’un tee-shirt et des mules floqués aux couleurs jaune, bleu et rouge de l’enseigne, a déchaîné les passions. Vendues au prix de 13 euros sur le site belge, les baskets se sont retrouvées sur eBay quelques jours après pour… 1255 euros.

Un an plus tôt, un autocuiseur vendu par la marque à prix cassé a suscité de longues files d’attente à l’ouverture du supermarché et de la cohue dans certains des établissements. L’agitation devant le Lidl d’Orgeval, dans les Yvelines, pour se procurer la PS4 à 95 euros était telle, au mois de juin dernier, que le magasin a préféré repousser l’ouverture à une date ultérieure, prétextant que les consoles étaient “reparties chez le fournisseur”.

“C’est gonflé”, commente Jean-Laurent Cassely, qui n’imaginerait pas Leclerc faire des casquettes du Tour de France au second degré. “Ce serait même choquant”, ajoute ce dernier. À la différence des autres grandes chaînes qui l’ont fait sans se prononcer clairement, y compris dans la restauration comme McDonald’s ou Courtepaille, Lidl revendique haut et fort sa participation à l’aménagement du territoire.

L’histoire de la marque y est peut-être pour quelque chose. Elle s’inscrit dans la dernière vague de nouveaux arrivants de la fin du XXe siècle. Contrairement à Leclerc, “Lidl est moins installé et moins associé au quotidien, observe l’essayiste. Lidl ressent peut-être encore le besoin de faire de telles initiatives pour s’intégrer.”

D’après cet article de L’Obs, des changements sont à l’oeuvre depuis 2006 pour gagner une nouvelle clientèle. C’est à cette date, par exemple, que l’enseigne introduit dans ses rayons des produits de marque, comme Coca-Cola ou Nutella. Cependant, le véritable tournant a lieu en 2012, quand un enfant a été intoxiqué par un steak haché de l’enseigne. “Le hard discount n’avait plus d’avenir. Il fallait changer de modèle”, confie le directeur exécutif des achats de Lidl Michel Biero à l’hebdomadaire. 

Les magasins se modernisent. “Quand on va dans un Lidl aujourd’hui, on n’a pas l’impression d’être ‘dans un magasin de pauvres’ comme quand la grande distribution discount est arrivée en France, remarque Jean-Laurent Cassely. À l’époque, on te faisait payer le fait que ce soit moins cher, sur l’agencement et l’esthétique, mais aussi par le stigmate social qui pesait sur les gens qui s’y rendaient.”

La communication évolue, elle aussi. Dans le cadre de sa stratégie marketing, Lidl expliquait à Fashion Network, en 2018, chercher ”à attirer un groupe-cible jeune et connecté sur la marque et sur [son] site d’e-commerce”, par le biais d’une vingtaine d’influenceurs plus ou moins célèbres, dotés “d’un nombre d’abonnés compris entre 25.000 et 1,1 million”.

Parmi les égéries de cette campagne, des noms célèbres sur les réseaux sociaux, comme Riccardo Simonetti, Valentina Pahde, Shanti Joan Tan et Patrizia Palme, “reconnus dans les domaines de la famille, du lifestyle, de l’alimentation et de la mode”, indiquait Jan Bock, le directeur des achats et du marketing chez Lidl Allemagne, au site d’information des professionnels de la mode.

Une telle réhabilitation de l’enseigne n’est pas exempte de critiques. Dans un article intitulé “Lidl: ‘Quand tu y allais, on en revenait’” (en référence au titre du groupe IAM), la journaliste de la revue Africultures Célia Sadai déplore ainsi la violence d’une telle appropriation de l’enseigne populaire à des fins mercantiles.

Elle se souvient de l’ouverture d’un Lidl, dans le XXe arrondissement, au début des années 1990. “On y trouvait les imitations de tous les produits qu’on ne pouvait pas s’offrir, écrit-elle. Lidl, c’était le QG des pauvres. Des pauvres méprisés jusque dans le ventre, car beaucoup disaient déjà  ‘– Lidl, c’est de la merde !’ Donc nous les pauvres, étions des cochons dans l’auge Lidl.”

Interrogée sur le plateau d’Arrêt sur images, elle explique que la stratégie actuelle de la marque lui donne l’impression d’être au zoo. “Les personnes pauvres seraient complètement altérisées, analyse-t-elle. Il y a une distance vis-à-vis d’eux, on les observe, on va piocher un peu comme l’explorateur qui va en Afrique, qui ramène des masques qui n’ont plus leur sens et leur fonctions rituelles et cultuelles et qui les accroche à son mur sans engagement. Ils n’en ont pas besoin. La différence, c’est la nécessité d’un côté et la mode de l’autre.”

En matière de mode, Lidl n’est pas la première enseigne à faire la connexion entre le discount et la haute couture, comme le rappelle l’anthropologue Emmanuelle Lallement dans la même émission. C’est ce qu’a fait Tati en 1991, en collaboration avec le couturier Azzedine Alaïa, au cours d’une collection de vêtements aux couleurs de l’enseigne de Barbès. 

“La différence, note Jean-Laurent Cassely, c’est qu’avec Lidl, il y a une volonté délibérée de s’en approcher.” Contrairement à Tati, pour qui le retour en grâce dans le milieu de la mode s’est fait malgré elle, ici, “c’est la marque qui est à la manoeuvre”, selon lui. Mais voilà, ces efforts de communication ont-ils vraiment entraîné une bascule de la clientèle? Le journaliste est sceptique.

Alors que l’entreprise indique à L’Obs être entrée “dans une nouvelle phase d’expansion, avec l’ouverture de 50 magasins en 2020” et gagner 400.000 nouveaux clients par mois, Arrêt sur images rappelle qu’il est impossible d’obtenir le chiffre d’affaires réel réalisé par Lidl en France. Une information que l’entreprise ne communiquera sans doute pas au cours de ces Journées européennes du patrimoine. Plus qu’un simple week-end de portes ouvertes, elles sont le fruit de la démarche globale de la marque pour (ré)habiliter son image dans le patrimoine.

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SOURCE: https://www.w24news.com

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